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Prédictibilité et Profitabilité des figures Chartistes

L’Analyse technique

L’analyse technique est largement utilisée en pratique. Selon Cheung andWong (1999), 25 à 30 % des traders sur le marché des changes basent leurs analyses uniquement sur des signaux provenant de l’analyse technique. Plus largement, selon Taylor and Allen (1992), l’analyse technique semble ê tre utilisée comme première ou seconde source d’information par plus de 90 % des dealers du marché des changes basé à Londres. De plus, elle serait jugée à 60 % comme étant aussi importante que l’analyse fondamentale [3]. Une très grande proportion estime les approches fondamentales et techniques comme étant complémentaires.

L’étude de Menkhoff (1998) montre également que plus de la moitié des professionnels actifs sur le marché des changes allemand donnent plus de poids à l’information que leur procure l’analyse ’non-fondamentale’, à savoir l’analyse technique et les flux d’ordre. Par ailleurs, Lui and Mole (1998) ont montré que l’analyse technique est la méthode la plus utilisée pour un horizon court terme sur le marché des changes de Hong Kong. Malgré sa large utilisation par les professionnelles, les académiciens ont historiquement négligé l’analyse technique, principalement car cette dernière est en désaccord avec l’une des hypothèses les plus fondamentales en finance, à savoir l’hypothèse d’efficience des marchés. En effet, l’hypothèse d’efficience (semi-forte) prévoit que toute l’information publiquement disponible doit se refléter dans le prix de l’actif.

Ainsi, selon cette hypothèse, l’analyse technique, qui se base entièrement sur l’observation de l’historique de prix, à savoir de l’information publique, ne pourrait donc pas prédire l’évolution future des prix. Devant cet état de controverse, de nombreux chercheurs ont entrepris des études portant sur l’analyse technique. L’une des études les plus connues sur le sujet est celle réalisée par Brock, Lakonishok, and LeBaron (1992) qui conclut à l’intérê t de l’utilisation de deux des règles de trading les plus simples et les plus populaires : le croisement de moyenne mobile et la technique des filtres [4].

En effet, cette étude montre que l’utilisation des stratégies sous-jacentes à ces méthodes sont profitables (en terme de différence entre cours acheteur et vendeur et selon la nature de l’opération : achat ou vente). Parmi les études qui se sont axées sur ces règles de trading simples appliquées aux marchés des changes, nous pouvons citer Dooley and Shafer (1984), Sweeney (1986), Levich and Thomas (1993), Neely (1997), LeBaron (1999). Par ailleurs, les études menées par Ready (1997), Andrada-Felix, Fernandez-Rodriguez, and Sosvilla-Rivero (1995) et Detry (2001) se sont intéressées aux marchés des actions.

En plus des règles de trading simples telles que celles sous-jacentes au croisement de moyennes mobiles ou provenant de filtres, l’analyse technique foisonne de méthodes pour estimer l’évolution future d’un cours. Ces dernières ont également fait l’objet d’études empiriques. Jensen (1970) teste empiriquement la règle de trading ’relative strength’ [5]. Le profit estimé pour cette règle n’est pas significativement supérieur à celui obtenu par une stratégie de type ’Buy and Hold’, qui consiste à acheter l’actif au début d’une période déterminée et à le détenir jusqu’à la fin de celle-ci .

Osler (2000) aboutit à un pouvoir prédictif des supports et résistances [6] relatifs aux cours de change intra-journaliers en utilisant les signaux publiés par 6 participants actifs sur ce marché. D’autres études ont eu recours à l’utilisation d’algorithmes génétiques pour développer des règles de trading susceptibles de faire des prévisions génératrices de profits, tel que Neely, Weller, and Dittmar (1997), Neely and Weller (1999), Dempster and Jones (1998b). Blume, Easley, and O’Hara (1994) montrent qu’une séquence de volumes et de prix peut ê tre informative, présentant de cette manière une évidence quant à l’utilisation de l’analyse technique basée sur les volumes.

Mis à part ces études axées principalement sur des relations linéaires, diverses études se sont orientées vers l’analyse des figures chartistes, définies comme étant des configurations diverses non linéaires. Les figures chartistes, selon Murphy (1999) et Béchu and Bertrand (1999), détiennent un pouvoir prédictif qui permet ainsi aux traders qui les emploient de développer des stratégies de trading en vue d’obtenir un profit. En général, les figures chartistes sont donc analysées en terme de profitabilité. Les contributions dans la littérature à l’analyse de ces figures sont au nombre de cinq. Levy (1971) analyse le pouvoir prédictif de configurations basées sur des séquences de 5 points et conclut, après avoir pris en compte les coûts de transactions, à la non profitabilité de ces dernières.

Osler (1998) analyse plus précisément la figure la plus connue en analyse chartiste, à savoir le tê te- épaules [7]. Elle souligne le fait que les agents utilisant cette figure pour opérer sur les marchés doivent ê tre qualifiés de ’noise traders’ car le volume de transaction observé lors de leurs opérations est particulièrement élevé et leurs transactions non profitables. Dempster and Jones (1998a) et Chang and Osler (1999) aboutissent aux mê me conclusions concernant la profitabilité des règles de trading relatives aux figures chartistes. Par contre, Lo, Mamaysky, and Wang (2000) se sont intéressés au contenu informationnel de diverses figures chartistes et concluent que ces dernières possèdent un contenu informatif significatif qui affectent les rendements. Notre étude va pour sa part s’intéresser à analyser 12 figures chartistes appliqu és au marché des changes de l’Euro-Dollar, sur données intra-journalières. Le choix du marché des changes semble approprié pour tester des signaux techniques, étant donné ”son importante liquidité, ses faibles bid-ask spread et un système de trading décentralisé sans interrruption de 24 heures” [8].

Les études précédemment citées qui ont analysé les figures chartistes sur le marché des changes ont eu recours à différentes méthodes de détection des extremums locaux formant les figures chartistes et se sont intéressés à divers types de prix, à savoir le prix acheteur (bid) ou le prix vendeur (ask) ou le prix moyen (mid), et selon différentes fréquences d’observations. Cette diversité rend intéressant, en termes de profitabilité, l’étude de l’hypothèse de sensibilité des figures chartistes aux éléments cités (méthodes de détection, types de prix, fréquences d’observations).

Notre étude consiste par conséquent à étudier la sensibilité des figures chartistes par rapport à la méthode de détection des extremums locaux, par rapport aux types de prix et à la fréquence d’observation de ces derniers.[9]

Un autre intérêt de cette étude est l’analyse de l’apport informationnel procuré par les cours les plus hauts (High) et les plus bas (Low) d’un intervalle de temps donné. En effet, dans le cas de l’analyse des figures chartistes, hormis Osler (1998) et Chang and Osler (1999) qui ont touché quelque peu à ce type de données lors de leurs analyses de sensibilité, aucune étude ne s’est centrée sur l’intérêt qui pourrait provenir de l’utilisation des cours les plus hauts et ceux les plus bas. Or en pratique, la majorité des professionnels de l’analyse technique utilise ce type de données lors de leur analyse. De plus, d’autres études ont montré que les cours highs et lows avaient un contenu informationnel.

Fiess and MacDonald (1999) ont suggéré l’existence d’une relation structurelle entre les cours high, low et de clôture sur le marché des changes. Fiess and MacDonald (2002) concluent également à l’intérê t de l’utilisation des cours High et Low. Dans notre étude, nous analysons par conséquent la sensibilité des figures chartistes à l’utilisation ou non des cours les plus hauts et les plus bas d’un intervalle de temps donné. Pour cela, nous développons ainsi une nouvelle méthode de détection des extremums locaux.


3. L’analyse fondamentale est une méthode d’évaluation, qui examine les facteurs discriminants, appelés fondamentaux, qui affectent les cours observés dans l’optique de déterminer leur valeur intrinsèque.

4. Cette méthode consiste à prendre des positions, longues ou courtes, suite à une variation du cours d’un pourcentage, correspondant au filtre.

5. Après avoir calculé le ratio Pt= ¯ Pt où¯ Pt correspond à la moyenne des cours précédant le moment t, la règle de trading consiste à acheter l’actif si ce ratio est supérieur à une valeur déterminée et le vendre si cette dernière atteint un certain seuil.

6. Une droite de support (résistance) est la droite sur laquelle rebondit le cours lors d’un mouvement haussier (baissier).

7. Cette figure ainsi que 11 autres sont définies dans la section 3.2.

8. Cfr Chang and Osler (1999) p.638.

9. Cette étude analyse les figures chartistes uniquement sur des données intra-journalières. Elle permet ainsi de ne pas réfuter l’hypothèse d’efficience des marchés étant donné qu’un grand nombre d’auteurs s’accordent à penser que les marchés seraient temporellement inefficients à très court terme : il existerait un décalage entre l’avènement d’une nouvelle information et son incorporation dans les prix.

Prof. Walid Ben Omrane et Hervé Van Oppens

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